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Les phasmes et leur comportement

Femelle Peruphasma schultei

Les phasmes sont des êtres vivants que nous voulons considérer avec respect. Leur éventuelle conscience est encore aujourd'hui remise en cause, de la même façon que celle des chiens et chats l'était il y a quelques années. Mon expérience personnelle m'a apprise qu'ils ont une certaine mémoire, conscience et reconnaissance des autres,  et de leur environnement, ainsi que des capacités d'adaptation et de réflexion (poussées par  l'instinct) moyennes à élevées, en fonction des individus. Ils ont donc un comportement très différent les uns des autres, mais il y a également des bases à connaître sur la façon dont ils fonctionnent et comment se comporter avec eux dans le respect et la bienveillance.

1/   Manipuler un phasme

Certaines espèces sont naturellement plus agressives que d'autres, utilisant des attributs de forces (épines, oviscapte) afin de dissuader voir blesser un prédateur, à l'inverse des espèces ayant plus tendance à fuir ou se mettre en catalepsie (immobilité totale des muscles). Les Heteropteryx dilatata et les Eurycantha calcarata sont très connus pour leur caractère bien trempé et la difficulté à les manipuler lors des déplacements. Il faut donc le faire avec précaution, afin d'éviter de les stresser et de perdre quelques gouttes de sang. 

Le mieux est toujours de les habituer à aller sur différentes personnes dès leur plus jeune âge, car au fil du temps ils s'énervent de plus en plus facilement et sont donc difficiles à calmer.

Il faut également faire attention à ce qu'ils ne s'habituent pas qu'à vous, mais aussi qu'ils sachent aller sur d'autres gens, si jamais vous ne pouvez pas vous en occuper pendant un certain temps ou une autre raison quelconque. 

mâle Lonchodiodes sp "ilocos"

Pour manipuler un phasme, veillez à ne pas le surprendre. La majorité des espèces sont nocturnes, et sont donc en repos la journée. Il est toujours préférable de leur effleurer les antennes pour les faire se redresser si ils sont aplatis sur une branche, une écorce ou une paroi. Ensuite, il "suffit" de glisser ses doigts entre leurs pattes, et de les laisser monter sur nos mains. Pour les aider, vous pouvez leur toucher l'extrémité de l'abdomen, mais ce n'est pas à faire si c'est un phasme "nerveux", car il essaiera très sûrement de pincer avec ses pattes arrières.  

Les phasmes ont le reflexe de monter lorsqu'ils marchent, donc il faut s'en servir pour les guider dans la direction où nous souhaitons qu'ils aillent.  

Les phasmes ailés sont également difficiles à manipuler, pour la simple et bonne raison qu'ils s'envolent partout et tout le temps. Pour cela, c'est également une question d'habitude. Il faut aussi savoir anticiper leur envol, plutôt prévisibles puisqu'ils se mettent souvent à agiter leurs antennes de haut en bas, puis au dernier moment, ils déploient leurs palpes (organes gustatifs présent autour des mandibules de nombreux insectes). Lorsque vous voyez qu'il est sur le point de s'envoler, il suffit de placer votre main à quelques centimètres de sa tête, assez pour qu'il ne puisse pas s'y accrocher, et il verra que le terrain ne se prête pas à un décollage. 

Il y a des zones à éviter :

Ne jamais les prendre par une ou plusieurs pattes, ou par les antennes, et ne pas pincer leur abdomen ou leur thorax pour les attraper. Il ne faut pas non plus s'amuser à effrayer des phasmes pour qu'ils s'envolent, déploient leurs tegmina (ailes qui ne leur servent pas à voler). Cela leur provoque un état de stress inutile et nocif.

femelle neohirasea maerens adulte

2/   Le comportement de groupe

Ayant des modes de vies différents, certaines espèces ont également des rapports très différents entre eux. La plupart vivent très bien ensemble et cohabitent dans le calme, sans pour autant rester en groupe. Mais certains ont un comportement grégaire impressionnant, se collant les uns aux autres, et ne se déplaçant que pour s'alimenter. On observe le plus souvent ce genre de phénomène chez les espèces aptères ou microptères, ce qui, je pense, s'explique par leur capacité à se déplacer avec plus ou moins de facilité, mais c'est un sujet qui sera abordé plus bas. 

Ce comportement est donc plutôt intéressant à observer et étudier, puisqu'il est la preuve qu'ils ont une reconnaissance des autres, et de leur espèce. Leur vie ne se résume donc pas uniquement à manger, se cacher et se reproduire. 

Nous avons observé, dans notre groupe de Peruphasma schultei, un phénomène semblable à celui de la dispersion, chez les loups. Effectivement, depuis leurs premiers stades, les Peruphasma ont vécu dans un grand espace, sans l'utiliser. Ils restaient regroupés dans un coin protégés, tous ensemble, et ne se déplaçaient que pour s'alimenter.  Ce sont certains mâles, au stade L4, qui se sont mis à s'éloigner du groupe, et à passer d'un bout à l'autre de la volière. 

Le début de ces comportements de dispersion à précédé l'arrivé au refuge d'une vingtaine de Peruphasma adultes, et les jeunes mâles ont rejoint cet autre groupe, alors que les autres restaient à l'écart. 

Il sembleraient également que les jeunes suivent les plus âgés lors de leurs rares déplacements.

Alors que nous étions parties, d'autres personnes devaient venir s'occuper des phasmes du refuge pendant une dizaine de jours. Suite à un imprévu, les insectes se sont retrouvés seuls pendant 4 jours, et lorsque la nourriture a commencé à sécher, ils sont donc sortis par les quelques ouvertures de leurs différentes installations. La plupart (Extatosoma, Marmessoidea, Achrioptera) sont sortis les uns après les autres, de façon désorganisée et maladroite. Le groupe d'adulte de Peruphasma schultei, lui, s'est entièrement déplacé, et se sont retrouvés dans un coin de la pièce d'élevage, au plafond. Le groupe de jeunes n'avait pas bougé.

Cela témoigne donc de leur capacité d'adaptation et d'une certaine communication au sein des groupes.

Peruphasma schultei L1 et L2

3/  Accouplements

Comme dit plus haut, le comportement des phasme relatif à l'accouplement varie en fonction des espèces Selon nos observations, les accouplements en tant que tels durent jusqu'à 3 jours. Mais pour ce qui est du reste, cela peut être très différent d'une espèce à une autre !

Par exemple, les Sungaya inexpectata passent leur vie sur la femelle, et ne descendent que pour manger (si ils ne se contentent pas de se nourrir en étant accrochés à elle), alors que au contraire, les Extatosoma tiaratum passent de femelles en femelles, tout en pouvant rester des semaines sans s'accoupler. 

Il y aurait donc une explication (ou plutôt une théorie) là dessus ;

Le point commun des espèces qui ont tendance à former des couples presque fixes est qu'il s'agit, dans la grande majorité des cas, de phasmes microptères ou aptères. 

Ce qui est logique : les mâles ailés peuvent se déplacer très rapidement et facilement, pour trouver des femelles et s'accoupler le plus de fois possible. Leur objectif va réellement être de féconder un maximum de femelles de leur espèce. 

Mais pour les mâles qui ne volent pas, les déplacements sont plus lents et périlleux. Il s'agira donc avant tout de trouver une femelle pour s'accoupler, ce qui sera déjà difficile dans la nature, puis de ne pas la perdre. 

Grâce à la reproduction parthénogénétique, les femelles n'ont comme seul objectif que celui de pondre le plus possible et de disperser leurs œufs. C'est pour cette raison qu'elles ont évolué en devenant plus grandes et lourdes que les mâles, qui sont eux petits et fins, contrairement à la majorité des animaux sur terre, chez qui le mâle est plus robuste.  On observe parfois plusieurs mâles près d'une seule femelle, comme si ils se la "disputaient". Les mâles ne se battent pas entre eux, mais si ils sont plus nombreux que les femelles, c'est généralement celui qui arrive le premier qui est servi avant l'autre.

Sungaya inexpectata en groupe
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